Marché carbone et enjeux pour les exploitations betteravières
Appréhender les leviers techniques, la réglementation existante et le point de vigilance, ainsi que les enjeux associés à la valorisation du carbone agricole.
Les intervenants :
ITB
RÉMY DUVAL
Responsable adjoint du département technique et scientifique, ITB.- Comment convertir les économies d'engrais en CO2 ?
- Si le véritable levier de baisse des émissions de CO2 repos dans les utilisations d'engrais azotés, pourra-ton encore tenir l'objectif de maintien des rendements ?
- Dans un bilan carbone, on tient compte de la quantité totale d’engrais épandue, mais pas du mode d'application ?
- Une partie du plan de réduction des GES par l'agriculture passe par la quasi-disparition de l'élevage de ruminants. Quelle source d'engrais minéral est envisagée pour le remplacer ?
- Quelle différence entre urée et urée protégé en terme d’émissions ? Quelle comparaison avec l’ammonitrate?
- Avez-vous estimé l'impact d'objectifs de réduction d'IFT (notamment fertilisants) en réduction/valorisation d'équivalent CO2 par rapport à la baisse (probable) de productivité ?
- La minéralisation de l'humus est-elle prise en compte dans ce calcul ? La valeur de 180 kg/ha de CO2/ha/an de gain d'émissions en cumulant les leviers représente quel % des émissions totales /ha/an ?
Pour les engrais minéraux azotés, il n’y a pas une clé unique de conversion, mais plusieurs, qui vont dépendre de la forme d’engrais azoté. Si on veut simplement évaluer l’effet d’une réduction de dose, on peut se base sur des coefficients de conversion « moyens » :
Pour 1 kg N appliqué sous forme d’engrais minéral (qui peut être un engrais simple, binaire ou ternaire), compter :
7,48 kg eq CO2 (émissions directes) + 0,515 kg eq CO2 (émissions indirectes liées à la volatilisation ammonicale) + 1,23 kg eq CO2 (émissions indirectes dues à la lixiviation) + 4,51 kg eq CO2 (émissions amont). Soit en tout, pour un engrais minéral azoté « moyen », 13,73 kg eq CO2 par kg d’azote minéral apporté.
Pour les engrais organiques, il n’est pas possible de proposer une grille simple, étant donné la diversité des produits et de leurs coefficients spécifiques. On peut se référer à deux sources : la méthode Label Bas Carbone Grandes Cultures, via ce lien .
Difficile de répondre simplement. L’objectif fixé par le gouvernement est de réduire de 15% les émissions agricoles de N2O d’ici 2030, qu’on peut espérer atteindre tout en maintenant les objectifs de rendements des cultures. Mais il s’agit d’une comptabilité globale pour toute la ferme France, qui concerne les filières d’élevage comme de grande culture, avec des leviers qui peuvent sortir du champ (aménagements extra parcellaires), donc il faudrait des évaluations très “macro” pour répondre à la question posée.
Mon exposé a proposé un aperçu simplifié des calculs d’émissions, pour ne pas surcharger en coefficients et en chiffres. Mais les modes d’application font effectivement partie des paramètres d’ajustement, principalement pour réduire les émissions par volatilisation. Le cas de l’apport d’engrais minéral par enfouissement localisé a été mentionné. Pour des produits organiques, les modalités d’apports, et surtout d’enfouissement, peuvent aussi être prises en considération.
Un élément de réponse peut être extrait du rapport 4 –pour-mille (Inrae 2019), qui faisait le constat que « la quasi-totalité des effluents d’élevage produits en France retournent au sol, et il y a donc très peu de possibilité d’accroitre les stocks de C des sols par une mobilisation supplémentaire de ce gisement ». La solution sera donc de trouver des ressources autres, non agricoles, ou imports de produits organiques excédentaires de pays voisins. Il peut rester aussi des marges de manœuvre quant à une bonne valorisation des produits organiques à une échelle territoriale. Mais la question dépasse largement le cadre de notre filière, je ne me sens pas compétent pour répondre de façon plus exhaustive.
Emissions de GES cumulées pour un apport de 100 kg d’azote N:
Ammonitrate : 1282 kg eq CO2
Urée: 1379 .
Urée avec inhibiteur d’uréase: 1179
L’urée n’est pas très utilisée en fertilisation des betteraves, mais avec adjonction d’un inhibiteur, elle peut être intéressante : piste à creuser pour nos betteraves !
Comme indiqué lors de la présentation, les pistes techniques proposées et chiffrées n’exposent pas à des pertes de productivité de la culture. C’est aussi l’objectif dans les systèmes de culture innovants testés dans les dispositifs Syppre.
Le bilan établi pour le système de culture Syppre intègre toutes les composantes, y compris la minéralisation de l’humus pour établir un effet stockage/destockage de C sol. Les réductions d’émissions de GES sur le système représentent 10% des émissions totales.
ARTB-FRANCE
LOUISE COURCHINOUX
Responsable adjointe au carbone, ARTB.- Comment peut-on être émetteur net et générer des crédits carbones ?
- Quelles sont les méthodes validées par VCS ou GoldStandard ?
Les crédits carbone sont des unités attribuées à un porteur de projet qui réduit ses émissions de gaz à effet de serre. Un crédit carbone représente une réduction d'une tonne d’équivalent CO2. Ainsi, bien qu’une exploitation soit émettrice de carbone, si l’exploitant décide d’activer des leviers de transition qui réduiront son empreinte globale, il peut générer des crédits à hauteur de la réduction.
TEREOS
Vincent Grégoire
Responsable Durabilité, TEREOS.- Une sucrerie peut-elle compenser ses émissions réglementées avec des crédits Carbone du marché volontaire ?
- Si un adhérent TEREOS souhaite remplacer son vieux fenwick au fioul pour un modèle moins polluant, TEREOS pourra l'aider dans cette démarche ?
Non.
Non, cela n’est pas prévu.
VIVESCIA
Armand GANDON
Chef de projet bas carbone, VIVESCIA.- Dans les filières existantes (biocarb), qui finance ces primes filières généralement ?
- Quelles sont les différences entre le calculateur Vivescia et CFT ou le schéma 2BSVS ?
- La question à mille crédits carbones : combien est payée une prime filière ?
- Une des questions dans la mise en place des actions bas carbone à l'échelle de l'exploitation est celle de la permanence de ces actions: à combien d'années évaluez-vous de façon raisonnable leur maintien pour justifier la valorisation de crédits carbone?
Ce sont les pétroliers, sachant que la valeur est redistribuée sur toute la chaîne.
Le calculateur carbone simplifié mis en place par Vivescia est basé sur les modèles de calcul du Label Bas Carbone. Le CFT est quand à lui un outil international développé par la Cool Farm Alliance (qui englobe de nombreuses entreprises comme Unilever, McCain, Cargill, Danone…). Les modèles de calcul derrière ne sont pas les mêmes que le LBC et les résultats en sortie sont donc aussi différent pour des mêmes pratiques agricoles. Enfin 2bsvs est un autre schéma de calcul avec également ses propres règles. Ce schéma est utilisé exclusivement dans les démarches biocarburant en France.
Pour le moment peu de référence et donc difficile de répondre à cette question.
La méthode Grandes cultures du Label Bas Carbone a prévu le risque de non-permanence en encourageant le renouvellement du projet et en appliquant des rabais :
- 20% de rabais en cas de non-renouvellement du projet au bout de la période de 5 ans
- 10% de rabais si les leviers mis en œuvre sont devenus réglementaires en cours de projets, ou si de nouveaux leviers sont mis en œuvre
- Pas de rabais si le projet est renouvelé (ou si la preuve est apportée que les leviers mis en œuvre sont poursuivis à l’identique)